INTERVIEW
1• Pour commencer, nous aimerions savoir ce qui vous a motivé à vous lancer dans l'aventure des Contes interdits ? Que vous a apporté cette expérience ?
C’est le directeur de collection qui m’a approché, après avoir lu mon premier roman – un thriller qu’il avait beaucoup aimé et qui s’intitule Le Chercheur d’âme. Me joindre à l’équipe des Contes Interdits s’est avéré une des meilleures décisions que j’ai prises, sur le plan professionnel. Les deux romans que j’ai écrits – Peau d’âne et Barbe bleue – m’ont donné une extraordinaire visibilité et m’ont permis d’écrire des œuvres que je n’aurais probablement jamais écrites, dans un autre contexte.
2• Question abonné : Où avez-vous puisé votre inspiration pour vos réécritures ?
Pour Peau d’âne, j’ai d’abord procédé en trouvant des équivalences contemporaines aux principaux éléments de base du conte : le roi est devenu le PDG d’une grande multinationale, par exemple. Par ailleurs, j’ai commencé l’écriture quelque temps après les arrestations médiatisées de Harvey Weinstein, aux États-Unis, ainsi que de Gilbert Rozon et Éric Salvail, au Québec, qui ont propulsé le mouvement #metoo. Il m’apparaissait à propos d’intégrer cette notion dans le roman, d’autant que je voulais que le Président soit tout le contraire du roi du conte original, à savoir qu’il soit un homme détesté et craint.
En ce qui concerne Barbe bleue, le conte original appelait naturellement un roman d’horreur. Puisque Le silence des agneaux est un de mes romans policiers fétiches, j’y ai fait quelques clins d’œil, notamment en ce qui a trait aux visites qu’Iris rend à Simeón Kovač, alias « Barbe bleue », qui évoquent un peu celles de Clarice Starling à Hannibal Lecter. Ce qui est rigolo, c’est que j’avais écrit la première page du roman sans savoir qu’il s’agirait du début de Barbe bleue : j’avais demandé au directeur de collection si je pouvais écrire La Belle et la Bête. Ainsi, l’homme sanguinaire enfermé dans la tour, qui est décrit au début, devait être la Bête ! J’ai donc conservé ce passage et la Bête est devenue Barbe bleue. C’est de là que m’est venue l’idée de raconter les événements horribles après l’arrestation de Barbe bleue.
3• Pourquoi avoir choisi Peau d'âne et Barbe bleue ? Qu'est-ce qui vous a attiré/inspiré dans ces contes ?
J’ai essayé de choisir des contes parmi les plus connus, qui étaient encore disponibles, mais aussi des histoires qui m’inspiraient. Ainsi, pour Peau d’âne (attention : *SPOILER*), j’ai immédiatement vu le jeu de mot « peau d’Anne » – ce qui explique pourquoi le Président trouve la peau de sa fille dans sa chambre, prélevée du corps. Pour sa part, Barbe bleue était un conte convoité, vu son grand potentiel horrifique. J’ai été l’heureux élu !
4• Y a-t-il un ou des personnages voire des scènes qui ont été particulièrement complexes à écrire ou, au contraire, aucun ne vous a causé de difficultés ?
Je ne note rien en particulier qui fut spécialement complexe.
5• Vous retrouvez-vous dans l'un de vos personnages ? Pourquoi ?
Pas tellement, dans les Contes Interdits, vu que les histoires sont déjà associées à certains archétypes et qu’elles ne sont pas totalement « de moi ». Par contre, je m’identifie beaucoup à l’enquêteur Xavier Martel, dans ma série de thrillers qui le mettent en scène (Le Chercheur d’âme, Sous un ciel d’abîme et Sans la peau) ainsi qu’à Guillaume Volta, dans une moindre mesure toutefois, dans Les agneaux de l’Aube, le premier tome d’une nouvelle série de thrillers policiers.
6• En parlant de personnage, pour quelle raison avez-vous décidé de développer Cam policière sans limites et Marcel le gardien des secrets dans les spin-off plutôt que d'autres personnages ?
C’est un peu un concours de circonstances. Au cours d’une entrevue en Facebook Live, j’ai mentionné que j’aimerais récupérer le personnage de Cam, puisque j’ai eu beaucoup de plaisir à la décrire et à la mettre en scène dans Peau d’âne. Le directeur de collection a capté ce commentaire et a communiqué avec moi, quelques semaines plus tard, pour me proposer d’en faire le personnage principal d’un roman d’une nouvelle collection intitulée « Dans l’univers des Contes Interdits ».
Pour ce qui est de Marcel, j’aimais l’idée d’un personnage très secondaire qui passe inaperçu dans Barbe bleue, mais qui côtoie des prisonniers, des êtres tordus et tourmentés à longueur de journée, à titre de gardien de prison. Après tout, un des critères de la collection « Dans l’univers des Contes Interdits » consiste à faire d’un personnage qui était secondaire, dans un autre conte, un protagoniste dans cette nouvelle collection. J’ai eu l’idée de faire en sorte que Marcel détienne un double statut de gardien : le « gardien » de prison est aussi le « gardien » des secrets des prisonniers qu’il côtoie.
6.5• Pour Peau d'âne, plusieurs lecteurs ont du mal à faire le lien entre votre réécriture et le conte original, avez vous une petite explication à leur apporter ?
Il faut savoir que le conte original de Charles Perrault fait un grand total de… 7 pages, environ. Moi, j’avais à écrire un roman entier. Pour ce faire, je n’avais pas d’autre choix que de développer certains aspects du conte original, mais aussi de m’en approprier d’autres, afin que l’histoire soit marquée par plus de suspense que le conte original… Passer de 7 à 293 pages nécessite forcément qu’on « ad libbe » un peu… 😉 Par ailleurs, comme je l’ai mentionné précédemment, j’aimais l’idée de faire en sorte que les équivalents contemporains des éléments du conte soient différents, voire opposés à leurs prédécesseurs : le Président est détesté, alors je voulais qu’Anne ne soit pas la jeune fille vulnérable et victimisée qu’on trouve dans l’original (et dans un trop grand nombre de contes traditionnels, de mon humble avis…). Dans mon roman, Anne a du pouvoir, elle est étrange, trop mature pour son âge. Je la voulais troublante.
7•Question abonné : Quel livre avez-vous préféré écrire ? Pourquoi ?
J’ai équitablement aimé écrire les deux. Tous deux proposaient des défis différents.
8• Vos écrits comportent une morale ? Si oui est-elle fidèle à l'œuvre originale ?
Je n’aime pas beaucoup la notion de « morale », parce que je ne suis pas moralisateur, et je ne veux surtout pas l’être dans mes livres. Faire la morale, c’est donner des leçons, et ce n’est pas ma tasse de thé. Par contre, j’essaie parfois de dénoncer certaines situations, certains travers sociaux ou individuels. Dans Peau d’âne, j’ai mis en scène une jeune femme (une prostituée) qui ose parler après avoir été agressée par l’intouchable Président. Comme je le disais, c’était dans l’air du temps, vu la montée du mouvement #metoo.
9• Question abonnés : Vous arrive-t-il de lire les contes d'autres auteurs ?
Par manque de temps, je n’en ai lu que deux pour le moment : La reine des neiges de Simon Rousseau et Cendrillon de Sylvain Johnson.
10• Pensez-vous retenter votre expérience dans les contes interdits ? Si oui pourquoi/ Si non, y a-t-il une raison particulière ?
J’adorerais, et je l’ai signifié au directeur de collection. La décision lui appartient. 😉
🔹Avez-vous un petit mot pour vos lecteurs européens ?
M’imaginer que mes romans soient non seulement lus mais également publiés en Europe est une chose que je n’aurais pas crue possible, il y a sept ans, lorsque j’ai publié mon premier roman au Québec. Je me considère hautement privilégié, à titre d’écrivain, d’être lu outre-Atlantique. J’espère très sincèrement avoir l’occasion et la chance rêvée d’aller vous rencontrer, en France, en Belgique, en Suisse, avant longtemps. Ce serait un plaisir énorme. Vite, qu’on m’invite ! Merci à toutes et tous pour votre enthousiasme vis-à-vis de la collection et de mes livres en particulier !
🔸Note de l'équipe : Nous souhaitons remercier Monsieur Laflamme pour sont temps, ses réponses et certains éclaircissements 🙏🏻.
🔸Interview réalisée par l'équipe Citrouille 🎃 & Chauve Souris 🦇
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