Sylvain Johnson - Interview

Publié le 5 février 2024 à 12:50

INTERVIEW

 

1• Pour commencer, nous aimerions savoir ce qui vous a motivé à vous lancer dans l’aventure des contes interdits ? Que vous a apporté cette expérience ?

 

  • Premièrement, un gros merci de me permettre de répondre à vos questions. L’aventure des Contes interdits a débuté en 2016 ou 2017. À cette époque, j’ai fait une critique d’un roman d’un jeune auteur du nom de Simon Rousseau pour ma page Facebook. Il me contacte quelques mois plus tard pour me parler d’un projet qu’il désire publier sous forme de collectif en format numérique dans sa propre maison d’édition. J’accepte immédiatement et dans les semaines après notre entretien, j’écris « Le joueur de flûte de Hamelin ». Je ne me souviens plus pourquoi j’ai choisi ce récit-là. Pourquoi accepter l’offre de Simon ? C’est bien simple, je trouvais l’idée géniale. Malheureusement, le projet ne se concrétise pas et mon texte se retrouve dans les tiroirs. Un ou deux ans plus tard, Simon me recontacte pour savoir si je désire toujours participer au collectif et si j’ai encore mon manuscrit. Il propose d’approcher un important éditeur québécois pour être publié de manière traditionnelle. Son choix : Les Éditions ADA. Sa tentative porte ses fruits et c’est ainsi que débute véritablement l’aventure. La première vague verra la sortie de Peter Pan de Simon Rousseau, des trois petits cochons de Christian Boivin, Hansel et Gretel d’Yvan Godbout et de Blanche-Neige de LP Sicard. Mon conte vient plus tard et sera accompagné de Pinocchio de Maude Royer et le petit chaperon rouge de Sonia Alain.
  • Je peux honnêtement dire que cette expérience a changé ma vie. Non seulement je découvre une nouvelle famille chez ADA, mais aussi un lectorat passionné, généreux, fidèle et affamé d’histoires les plus dingues les unes que les autres. Je peux maintenant écrire à temps plein tout en m’amusant comme un fou. J’ai une dette incroyable envers Simon Rousseau et tous les gens au sein du groupe ADA.

 

2• Question abonné : Où avez-vous puisé votre inspiration pour vos réécritures ?

 

  • Il m’est impossible d’identifier une seule source à l’origine de mes idées. Mon cerveau est similaire à une immense cuve où s’accumulent les notions, les images, les sons, les anecdotes, les couleurs et tout ce qui mérite la moindre attention. Puis, lorsque je m’apprête à pondre une histoire, les différents morceaux de puzzles dans mon esprit s’amalgament pour former un récit logique. Bien entendu, j’effectue aussi des recherches, comme pour avec la petite sirène où j’avais besoin d’un endroit hors du commun où se déroulerait une partie de l’action. Puisqu’il y avait des nains dans ma fable, j’ai questionné un outil de recherche avec les termes « Nains » et « Montréal ». Le résultat : le Palais des nains. Une lecture des articles mis à jour me forçait à utiliser cet endroit réel et coloré dans mon récit.

 

3• Pourquoi avoir choisi la petite sirène, le joueur de flûte, Casse-Noisette et Cendrillon ? Qu’est-ce qui vous a attiré/inspiré dans ces contes ?

 

  • Comme révélé plus haut, je ne me souviens plus pourquoi j’ai choisi le joueur de flûte. J’étais familier avec ce conte, mais depuis la sortie du roman, j’ai découvert que c’est probablement un des moins connus du public ! Pour la suite, j’ai tout simplement décidé d’y aller avec un des contes les plus populaires, sois la petite sirène. Quant à mon troisième, ce fut une suggestion de Simon Rousseau qui me permit de prendre Cendrillon au titre encore libre. Enfin, ce fut le tour de Casse-Noisette et le roi des souris qui me paraissait un récit digne de devenir une belle histoire horrifique, d’autant plus qu’il est très imagé et surtout parfait pour la période de Noël.

 

4• Y a-t-il un personnage ou une scène qui a été particulièrement complexe à écrire ou, à l’inverse, rien ne vous a causé de difficultés ?

 

  • Aucune scène spécifique ne me vient à l’esprit, mais je peux vous révéler que les fins me donnent parfois des maux de tête. J’ai le réflexe de toujours terminer mes histoires dans un bain de sang complet, alors à la suite des suggestions de mon directeur littéraire, il m’a fallu peaufiner les dernières parties des textes et permettre à certains de mes personnages de s’en sortir. De plus, les fins s’installent souvent d’elle-même dans le récit, forçant l’auteur à s’ajuster à l’action pour rendre le tout suffisamment logique.

 

5• Vous retrouvez-vous dans l’un de vos personnages ? Pourquoi ?

 

  • Je ne peux pas dire que je me retrouve nécessairement dans un personnage en particulier. Il serait toutefois hypocrite de nier certaines similitudes avec des individus qui peuplent mes histoires. Les pensées, démarches, tics, névroses ou encore rêves de certains personnages s’avèrent très près de ma réalité. On peut aussi « ordonner » à un perso d’agir d’une manière ou l’autre en se basant sur nos propres réactions, avec notre passé et notre mentalité. Je crois qu’on ne se dissocie que très rarement des hommes et femmes à qui l’on donne vie, ils demeurent toujours notre représentation. Je me sens un peu comme la mère qui observe ses enfants avec tendresse.

 

6• En parlant de personnage, pour quelle raison avez-vous décidé de développer Nadia journaliste déchu et Henry le garçon homard dans les spin-off plutôt que d’autres personnages ? Est-ce que le joueur de flûte et Casse-noisette auront également leur spin-off ?

 

  • Primeur ! Je vais travailler sur des histoires pour la série l’Univers des contes interdits venant de mes deux autres romans — le joueur de flûte et Casse-Noisette. Ensuite, pourquoi avoir choisi Henry et Nadia ? Henry est né dans un contexte particulier. Alors entre deux projets, je manquais de motivation pour me mettre à bosser sur ceux-ci. Mais puisque je tente d’écrire tous les jours, j’ai décidé de commencer avec quelque chose de léger simplement pour m’amuser. Il me fallait une idée et c’est un regard vers la bibliothèque située tout près de mon bureau qui me donna un point de départ. En voyant la couverture de la petite sirène, je me suis dit : pourquoi ne pas pondre une ou deux pages d’histoire sur Henry ? Sans pression, sans plan, sans même préparer un texte publiable. Mais l’écriture s’est prolongée sur plusieurs jours et un roman au complet est né. Je ne savais pas quoi en faire, il n’avait pas de place dans le catalogue d’ADA, mais je refusais de simplement le laisser pourrir dans un dossier de mon ordinateur ou encore moins de l’effacer. J’ai donc contacté Simon Rousseau, mon éditeur, pour lui envoyer le manuscrit en me doutant fort bien qu’il ne serait jamais publié. Peu de temps après, Simon me répondait pour me dire qu’il pensait justement à créer une collection nommée l’Univers des contes et qu’Henry pourrait s’y retrouver. Quelle joie !
  • Pour Nadia, ce fut assez facile. Elle est un personnage secondaire important, une femme forte, un élément crucial dans le parcours de Cendrine. La développer est devenue une obsession dès que le projet de l’Univers des contes fut annoncé. Je me suis vraiment amusé à l’écrire, à lui donner une existence propre et j’espère que c’est évident durant la lecture.

 

7• Question abonné : Qu’avez-vous préféré écrire dans votre réadaptation ?

 

  • Ce que j’ai préféré, c’est de pouvoir réinventer une histoire aimée de plusieurs à ma manière, d’y inclure des personnages nouveaux et d’actualiser le tout à notre époque, dans mon Québec natal. La liberté qui nous est offerte permet de faire des modifications intéressantes, le lecteur peut alors découvrir les thèmes, les idées et les concepts qui nous tiennent à cœur. Qui n’a pas visionné un film sans penser « Moi j’aurais réagi autrement ! » C’est ce qu’on a fait, en donnant à des créatures de contes connus leur propre conscience en s’inspirant des réalités modernes.

 

8• Votre écrit comporte-t-il une morale ? Si oui est-elle fidèle à l’œuvre originale ?

 

  • Je crois qu’il n’y a que dans La petite Sirène et le joueur de flûte où j’ai intégré de mon plein gré la morale au récit. Ainsi, dans la petite sirène, la leçon serait qu’il ne faut pas être insatisfait de notre sort, même si c’est assez difficile d’imaginer Angela contente de sa vie parmi les bêtes de foires et sous le joug de Stanley. Dans le joueur de flûte, sans vraiment savoir si c’était la morale authentique, on retrouve facilement l’idée que si on ne paye pas nos dettes, les choses vont très mal aller. Je ne trouvais toutefois pas important de respecter la volonté du récit original à nous donner un enseignement, puisque chacun semble capable de l’interpréter selon ce qu’il pense de l’histoire. Les experts ne s’entendent pas toujours sur la véritable morale d’une histoire.

 

9• Question abonnés : Vous arrive-t-il de lire les contes d’autres auteurs ?

 

  • Oui. J’ai lu plus du trois quarts des contes interdits. Comme la plupart des gens, certains me plaisent davantage que d’autres. C’est bien ainsi. Nous avons tous nos favoris. J’ai trouvé intéressant de découvrir les contes des autres pour deux raisons, premièrement pour constater leur vision moderne du conte, mais aussi pour me familiariser avec leurs plumes. Les écrivains passent pas mal de temps le nez dans les bouquins, c’est une source de motivation pour continuer à évoluer, pour s’améliorer. Je connaissais la plupart des membres du collectif et certains font même partie de mes préférés.

 

10• Pensez-vous retenter votre expérience dans les contes interdits ? Si oui pourquoi/si non, y a-t-il une raison particulière ?

 

  • Il n’y a rien de prévu en ce moment, j’imagine que le succès de la série pousse beaucoup d’auteurs à contacter Simon Rousseau, notre patron, afin de participer au projet. En particulier depuis l’annonce d’une adaptation visuelle et à la suite de l’intérêt des Européens. Il doit faire des choix difficiles, permettre à ceux déjà publiés de continuer sur leur lancée et aussi d’introduire de nouveaux visages dans le collectif. Je lui fais entièrement confiance et oui, j’aimerais évidemment en écrire un autre.

 

*Avez-vous un petit mot pour vos lecteurs européens ?

 

  • Je tiens à souligner l’immense honneur que vous nous faites en affectionnant la collection. C’est un rêve devenu réalité que de pouvoir discuter avec nos amis européens et de voir toutes les belles photos de nos romans que vous partagez sur le groupe. D’autant plus que Simon Rousseau et LP Sicard, qui ont eu le privilège de vous visiter pour faire des séances de signatures, nous ont vantés votre générosité et votre gentillesse. J’attends avec impatience le moment de pouvoir vous rencontrer tous en personne. 

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